Banques vs néobanques, la fin du match ?

En l’espace d’une décennie, le paysage bancaire s’est complètement métamorphosé. Les banques de réseau restent en position de leader sur le marché mais leur modèle économique est menacé : baisse des taux, digitalisation, arrivée de nouveaux acteurs. Le secteur de la banque-assurance, au sens large, est désormais accessible à des agents non bancaires qui développent, sur le créneau de la dématérialisation, dans un cadre peu régulé – donc avec moins de contraintes – d’efficaces process de paiement et autres services aisément utilisables qui répondent à l’évolution des habitudes de consommation. En outre, le montant des investissements n’est en rien, pour eux, une barrière à l’entrée car ils disposent d’importantes ressources financières, avec une capacité à lever des fonds impressionnante, y compris pour des projets dont la viabilité business pose question et, d’une capacité d’acquisition des savoirs qui peut leur permettre d’obtenir, à terme, un avantage compétitif.

Face à ces acteurs qui transforment inexorablement l’industrie financière, un grand nombre de banques présentent des carences : réseau de distribution coûteux, système d’information obsolète, procédures lourdes conduisant à des rigidités voire à une incapacité d’adaptation rapide. Pour autant, on aurait tort de croire que les banques soient complètement démunies face à cette nouvelle concurrence . Elles disposent de plusieurs atouts qu’elles doivent être en mesure de valoriser :

– La confiance des consommateurs et des commerçants, même si elle a été érodée par la crise de 2008 ;

– Être l’interlocuteur privilégié de l’Etat. Ce sont elles, et non les néobanques, qui ont pu proposer des prêts garantis par l’Etat aux entreprises afin de surmonter la crise du COVID.

– Un réseau « physique » couvrant densément le territoire. Celui-ci a certes un coût notable mais peut être mobilisé rapidement et permet de proposer d’autres services aux utilisateurs, comme le fait par exemple la Banque Populaire du Sud en offrant un accompagnement de proximité aux entrepreneurs.

– Un important gisement de données relatives au profil et au comportement d’achat de leurs clients qu’elles utilisent en respectant strictement le RGPD, ce qui n’est pas le cas de tous les nouveaux acteurs bancaires, mais qu’elles doivent apprendre à mieux administrer pour proposer un service personnalisé.

Force est de constater que les déconvenues au niveau des nouveaux acteurs de la digitalisation bancaire et financière sont nombreuses. Le dernier cas en date est évidemment Wirecard qui avait pourtant signé des partenariats avec des acteurs référents du marché comme le Crédit Agricole ou encore Visa et Allianz. Dans un autre registre, on pense à la néobanque Revolut qui procède à des licenciements importants, supprime certains de ses services et modifie son offre en accroissant par exemple le coût des virements internationaux pour faire face à la crise. Enfin, on peut aussi mettre en avant la disparition du compte C-zam sur le marché des néobanques BtoC. Ces déconvenues mettent en avant à la fois les problèmes de rentabilité de ces nouveaux acteurs, du fait d’une course au tout-gratuit, d’investissements marketing colossaux pour acquérir et fidéliser les clients, et, parfois, leurs lacunes réglementaires.

« Nous ne sommes pas une fintech. Nous sommes une vraie banque« . Jean-Daniel Guyot, fondateur de Memo Bank vient d’annoncer une levée de 20 millions d’euros notamment auprès de Blackfin et, fait rare, l’obtention d’un agrément d’établissement de crédit européen auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et, de la Banque centrale européenne (BCE). Une licence que la majorité des néobanques pour professionnels comme Shine et Qonto ne possèdent pas (Qonto serait en cours d’obtention).

A ce stade, le modèle qui semble s’imposer est celui du couple réseau-banque en ligne comme Boursorama, Groupe Société Générale ou Monabanq chez CM CIC. Mais, en observant les résultats de ces marques, on trouve peu de banques en ligne rentables à ce jour.

La digitalisation est le mantra de tous les acteurs du secteur bancaire et financier. Elle va indéniablement continuer de le remodeler, a fortiori avec l’arrivée d’une nouvelle génération qui n’a jamais mis les pieds dans une agence bancaire et que des marques comme Vybe ou Kard tentent d’attirer dès le plus jeune âge avec des stratégies marketing basées essentiellement sur les réseaux sociaux.

Tous les grands acteurs bancaires traditionnels ont pris le virage du digital au cours des dernières années mais la plupart n’ont pas abouti à des succès du fait du coût élevé à développer des projets en interne, d’importants problèmes de culture d’entreprise et de culture de l’innovation. Cela rend le travail d’intégration compliqué et souvent infructueux pour les start-ups qui n’ont pas toujours elles mêmes la culture, le temps et l’argent pour tenir face à l’inertie des grands groupes.

Le business modèle le plus vertueux semble pourtant bien être l’intégration des nouveaux usages digitaux directement au coeur des acteurs historiques. Cependant, la digitalisation ne se décrète pas à coup de hackathon, digital labs, adoption de méthodes « agiles » et lancement de marques aux noms qui sonnent « start-up ». Elle doit être mise en place progressivement, intégrée aux activités existantes – le service bancaire, avec la gestion des moyens de paiement, des comptes courants et l’offre de prêt restant le cœur de métier -, et s’appuyer d’abord sur les forces des réseaux, la connaissance des besoins et attentes client avec toujours pour ligne de mire la qualité de l’expérience et de la relation utilisateur. Une bonne illustration du chemin restant à parcourir : il suffit de chercher « compte bancaire » dans Google pour constater qu’à ce jour on ne trouve que la Société Générale et la Banque Postale au milieu des banques en ligne et courtiers qui trustent la première page de résultats.

Enfin, les banques doivent résoudre un autre problème : leur perception. En effet, leur ancienneté et les crises financières répétées ont abimé parfois très injustement leur image et le projet initié par la Fédération Bancaire Française il y a plusieurs années à ce sujet ne semble pas encore avoir porté ses fruits malgré le travail colossal fourni par les agents du secteur pendant la crise du COVID pour distribuer les PGE et maintenir les services bancaires. La campagne « formidable » du Crédit Agricole rendant hommage à ses collaborateurs pendant la crise fut en ce sens certainement un excellent parti pris car, selon le baromètre Posternak/IFOP T2 2020, c’est la banque qui a le moins souffert de la baisse généralisée du secteur avec -11 points d’image tout de même !

1ère parution dans Mind Fintech vendredi 26 juin 2020


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